Parfois, un passage m’interpelle dans un livre, alors je marque la page. À la fin de ma lecture, je recherche le passage aimé sur cette page marquée et je le copie sur un cahier. Pourquoi ce passage et pas un autre ? Peut-être parce qu’il me rappelle une situation, quelque chose que j’approuve, quelque chose que je désapprouve, quelque chose qui me fait réfléchir, quelque chose qui me fait bondir ou encore quelque chose que je trouve particulièrement bien écrit.
J’ai choisi 24 de ces passages dans mes cahiers afin de les partager derrière chaque case d’un calendrier de l’avent sur Instagram. Ils n’ont rien avoir les uns avec les autres et ne sont pas forcément le reflet de l’histoire globale.

Ce ne sont même pas des extraits de mes livres préférés. J’avoue qu’il y a même des histoires dont je me souviens à peine.
Mais je les aime bien.

« Il s’agissait de fragments de livres sans aucun rapport les uns avec les autres. Un extrait de recette de cuisine pouvait côtoyer la page 48 du dernier Goncourt, un paragraphe de roman policier succéder à une page de livre d’Histoire. Peu importait le fond pour Guylain. Seul l’acte de lire revêtait de l’importance à ses yeux. Il débitait les textes avec une même application acharnée. Et à chaque fois, la magie opérait. »
Jean-Paul DIDIERLAURENT, Le liseur du 6h27

« L’odeur surtout était misérable : si l’argent n’en n’a pas, l’absence d’argent n’en manque jamais. »
Hervé BAZIN, La mort du petit cheval

« Toutes les hypothèses rationnelles étant été épuisées, Pilate se trouve donc face à un mystère. Qu’est-ce qu’un mystère ? Tout autre chose qu’un problème ou une question.
Une question est une demande d’information qui reçoit une réponse. Exemple : en quelle année fut publiée La Princesse de Clèves ? Réponses : en 1978.
Un problème est une question qui peut recevoir plusieurs réponses. Exemple : la vie a-t-elle un sens ? Il y a de multiples réponses à ce problème, aucune n’est une solution, aucune ne clôt le problème, aucune ne peut prétendre à devenir plus qu’une réponse parmi d’autres.
Un mystère est un problème qui fait exploser le cadre rationnel, qui mine la façon même de poser les questions, épuise la rationalité.
Les deux piliers du Christianisme sont deux mystères : l’Incarnation et la Résurrection. Ils mettent la pensée en déroute : un Dieu qui se fait homme ; un retour à la vie après un décès ! Je comprends qu’un esprit rationnel se détourne du Christianisme. »
Éric Emmanuel SCHMITT, L’évangile selon Pilate

« Le major fut une fois de plus sidéré de constater le nombre de gens animés de cette envie de perdre leur temps et leur énergie à juger défavorablement les autres. »
Helen SIMONSON, La dernière conquête du major Pettigrew

« Parmi toutes les choses que l’on devrait apprendre dans la vie, il y a : voler. Mais pas juste voler comme ça vulgairement. Non. De la même façon qu’on apprend le judo ou le karaté. En acceptant de ne s’en servir qu’en cas de force majeure. De nécessité vitale. Pendant la guerre, par exemple. Il y a certainement des gens qui sont morts parce qu’ils ne savaient pas voler. S’ils avaient su, ils auraient peut-être survécu… »
Barbara CONSTANTINE, A Mélie sans mélo

« Tout le monde s’habitue. C’est dans la nature humaine. On s’habitue à voir l’inhabituel, on s’habitue à vivre des choses dérangeantes, on s’habitue à voir des gens souffrir, on s’habitue nous même à la souffrance. On s’habitue à être prisonnier de notre propre corps. On s’habitue, ça nous sauve. »
GRAND CORPS MALADE, Patients

« ‘ Tu as 29 jours pour t’amender, et ensuite…’
Les points de suspension étaient plus effrayants que la plus effrayante des menaces. »
Sir Arthur Conan DOYLE, Une Étude en Rouge

« Il entendit un jour conter un procès criminel qu’on instruisait et qu’on allait juger. Un misérable homme, par amour pour une femme et pour l’enfant qu’il avait d’elle, à bout de ressources, avait fait de la fausse monnaie. La fausse monnaie était encore punie de mort à cette époque. La femme avait été arrêtée, émettant la première pièce fausse fabriquée par l’homme. On la tenait, mais on n’avait de preuve que contre elle. Elle seule pouvait charger son amant et le perdre en avouant. Elle nia. On insista. Elle s’obstina à nier. Sur ce, le procureur du Roi avait eu une idée. Il avait supposé une infidélité de l’amant, et était parvenu, avec des fragments de lettres savamment présentés, à persuader la malheureuse qu’elle avait une rivale et que cet homme la trompait. Alors, exaspérée de jalousie, elle avait dénoncé son amant, tout avoué, tout prouvé. L’homme était perdu. Il allait prochainement être jugé à Aix avec sa complice. On racontait le fait, et chacun s’extasiait sur l’habileté du magistrat. En mettant la jalousie en jeu, il avait fait jaillir la vérité par la colère, il avait fait sortir la justice de la vengeance. L’évêque écoutait tout cela en silence. Quand ce fut fini, il demanda :
– Où jugera-t-on cet homme et cette femme ?
– À la cour d’assises.
Il reprit :
– Et où jugera-t-on monsieur le procureur du Roi ? »
Victor HUGO, Fantine

« Elle n’avait jamais été très forte pour enrober les mots. Quand quelque chose était merdique, ça sentait la merde même si on l’inondait de parfum, telle était sa devise. »
Camilla LÄCKBERG, Le Prédicateur

« Nous échangeâmes un baiser, qui était plus qu’un baiser. C’était comme manger après avoir été longtemps affamé ou boire après avoir souffert de la soif. »
Stephen KING, 22/11/63

« Il souriait et, chose étrange, il me regardait droit dans les yeux. J’ai sursauté. Pas l’habitude. Je sais que je suis un paria, un parasite. Ont-ils pour autant le droit de ne pas me regarder ? Bien sûr. Ils ont tous les droits. Un jour, j’en agripperai un. Je collerai mon visage sale au sien. Je lui soufflerai mon haleine putride à la gueule et je hurlerai : « Regarde-moi ! Ose regarder ma face ! Oui, mes cheveux puent le gras. Oui, j’ai les dents qui pourrissent. Oui, c’est la gale que tu vois s’étendre sur mon visage. Je me décompose devant toi. Contemple ma face et reconnais la vérité : tu es mon frère. »
Vincent PIERI, Station Rome

« Je vous souhaite à tous, à chacun d’entre vous, d’avoir votre motif d’indignation. C’est précieux. Quand quelque chose vous indigne, comme j’ai été indigné par le nazisme, alors on devient militant, fort et engagé. […] La pire des attitudes est l’indifférence, dire « je n’y peux rien, je me débrouille ». En vous comportant ainsi, vous perdez l’une des composantes essentielles qui font l’humain. Une des composantes indispensables : la faculté d’indignation et l’engagement qui en est la conséquence. »
Stéphane HESSEL, Indignez-vous !

« Je n’ai jamais oublié que nous sommes ici non pour y être heureux, mais parce que là-bas nous n’aurions pas vécu. »
Carole Zalberg, Feu pour feu

« Le rocking-chair de Mado est vieux comme elle. Tout abîmé, il prend l’eau les jours de pluie, sèche sous le soleil brûlant et semble faire partie du paysage depuis la nuit des temps. Comme elle. C’est à se demander si elle n’était pas là avant l’ouverture du camping. Ou si le camping n’a pas été tout simplement dessiné puis construit autour de Mado. »
Séverine VIDAL, Pëppo

« Le monde était baigné d’obscurité, mais il l’ignorait, car il n’avait jamais vu d’autre monde. La lumière que ses yeux avaient perçue était infiniment faible, mais il ne savait pas qu’il y eut une autre lumière. Son monde était aussi très petit. Il avait pour limite les parois de sa tanière. Le louveteau n’en éprouvait nulle oppression, puisque le vaste monde du dehors lui était inconnu. »
Jack LONDON, Croc Blanc

« Puis Barbara-Jean Hurla. Elle hurla comme si elle voulait couvrir tous les bruits du monde. Je n’avais jamais rien entendu de tel et je prie le Seigneur pour que cela ne se reproduise jamais. »
Edward Kelsey MOORE, Les Suprêmes

« Tu crois que le tapin c’est l’instinct de la femme ? Un vice naturel ? Le turf, c’est un métier, mon petit bonhomme ! Ça s’apprend et ça se contrôle ! Du Théâtre ! Un métier d’Éducation même, si tu veux mon avis. »
Daniel PENNAC, Messieurs les enfants

« – Qu’est-ce que tu veux aller foutre là -bas ?
– Aller voir le bout du bout.
– La terre est ronde Lili. C’est le bout de rien du tout. »
Catherine POULAIN, Le grand marin

« Alors qu’ils faisaient quelques courses chez Night and Delhi, l’épicerie indienne du coin de la rue, John fit un malaise. Martin vit son père s’effondrer sous ses yeux, brusquement. Il ne pourrait jamais oublier cette image-là. Immédiatement, il associa cette vision à celle des tours jumelles de New York anéanties par le terrorisme quelques mois plus tôt. Par la suite, il serait incapable de s’expliquer pourquoi il avait ainsi lié les deux événements, l’intime et l’universel, pourtant c’était la même image, celle d’une chute qui paraissait inconcevable. »
David FOENKINOS, Numéro deux

« Une des tâches du romancier consiste à rendre un personnage aussi crédible qu’un être de chair, tandis que le nègre élève son client aux dimensions d’un personnage. »
Bruno TESSARECH, Art nègre

« – Je ne suis pas un spécialiste, dit-il pour s’excuser à Ruth. Et je ne vais pas essayer de le devenir. Il y a trop de spécialités pour qu’un seul homme puisse, en une seule existence, en posséder à fond une seule miette. Des généralités, en fait de science, doivent me suffire. Quand j’aurais besoin de spécialistes, j’en ferais appel à leurs livres.
– Mais ce ne sera pas comme si vous possédiez vous-même le sujet, dit-elle en protestant.
– C’est inutile. Nous profitons du travail des spécialistes. Ils sont faits pour ça. En arrivant, j’ai vu des ramoneurs à l’ouvrage. Ce sont des spécialistes n’est-ce pas ? Eh bien, quand ils auront fini, vous serez contente de la propreté de vos cheminées, sans vous préoccuper le moins du monde de la manière dont elles ont été construites. »
Jack LONDON, Martin Eden

« Je me doute bien que c’est pas marrant tous les jours, son métier. Mais je lui réponds que les malades subissent aussi. Et pas qu’un peu. Ils sont même aux premières loges, avec une vue bien dégagée sur la douleur, l’angoisse, l’ennui, la solitude et tous les inconforts. Et qu’ils ne sont pas payés pour. Ni volontaires pour être là. On choisit d’être infirmier, mais pas d’être cancéreux ou accidenté. »
Marie-Sabine ROGER, Bon rétablissement

« – Et un contrebassiste ? lança-t-elle ?
– Loyal et régulier, répondit-il. Il ne porte pas la mélodie, n’est pas tenu d’être la star, mais il est toujours là pour assurer la cohésion. Certains croient que c’est le batteur, mais en réalité c’est le bassiste qui assure la rythmique de tout ensemble d’instruments avec lequel il joue. Lent et régulier, il n’arrête pas de relancer. Et il est beau, naturellement. »
Joyce MAYNARD, Les règles d’usage

« Je n’avais jamais vu autant de livres en un seul lieu. Du sol au plafond.
- Vous avez lu tous ces livres ? j’ai demandé.
- Oui, certains plusieurs fois même. Ce sont les grands amours de ma vie. Ils me font rire, pleure, douter, réfléchir. Ils me permettent de m’échapper. Ils m’ont changé, ont fait de moi une autre personne.
- Un livre peut nous changer ?
- Bien sûr, un livre peut te changer ! Et même changer ta vie. Comme un coup de foudre. Et on ne peut pas savoir quand la rencontre aura lieu. Il faut se méfier des livres, ce sont des génies endormis. »
Gaël FAYE, Petit pays
Mon fragment préféré, c’est celui du 24 décembre. Le livre a une place centrale dans mon quotidien et il a cette capacité à vous initier à la découverte de toutes ces choses éloignées de notre quotidien, qui nous font ouvrir les yeux et changer de regard. Les livres nous changent, j’en suis persuadée.